La France fait face à un défi de taille : la désertification médicale, particulièrement marquée dans les zones rurales et urbaines défavorisées. Pourtant, certaines zones du pays sont considérées comme sur-dotées en professionnels de santé, créant un déséquilibre dans l’accès aux soins. Afin de pallier cette disparité, l’Assurance Maladie a mis en place une nouvelle réglementation qui impacte directement les chirurgiens-dentistes, notamment la régulation de l’installation en zones non prioritaires dès 2025.
SECOFI, expert-comptable des chirurgiens-dentistes
Fin de la liberté d’installation : un changement majeur
L’avenant n°5 à l’accord national des centres de santé, signé le 30 novembre 2023, marque un tournant majeur dans l’organisation des soins dentaires en France. Ce nouvel accord, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025, vise à réguler l’installation des chirurgiens-dentistes et à améliorer la densité des dentistes sur le territoire.
- Zones concernées: Cette mesure ne s’applique qu’aux zones non prioritaires, qui représentent environ 5% de la population française.
- Modalités: Dans ces zones, l’installation de nouveaux chirurgiens-dentistes, qu’ils exercent en libéral ou en salariat, sera conditionnée au départ d’un dentiste déjà installé. Autrement dit, l’Assurance Maladie ne conventionnera pas les nouveaux praticiens sans un départ préalable.
- Impact sur les centres dentaires: A partir du 1er janvier 2025, il ne sera plus possible de conventionner de nouveaux centres de santé dentaire dans les zones non prioritaires. De plus, les centres existants ne pourront ni recruter ni augmenter leurs effectifs de chirurgiens-dentistes salariés.
Procédure d’installation en zone non prioritaire
La convention dentaire 2023-2028 définit la procédure à suivre pour l’installation d’un chirurgien-dentiste en zone non prioritaire à partir de 2025. Voici les étapes clés :
- Cession d’activité : Le conventionnement d’un chirurgien-dentiste libéral ne sera accordé que s’il reprend l’activité d’un professionnel cessant définitivement son activité dans la zone, ayant exercé au moins 2 jours par semaine l’année précédant son départ.
- Désignation d’un successeur: Le dentiste partant dispose d’un délai d’un an maximum pour désigner son successeur. Passé ce délai, la commission paritaire départementale (CPD) attribuera le conventionnement disponible à un autre chirurgien-dentiste.
- Demande de conventionnement: Le « repreneur » envoie une demande de conventionnement à la caisse locale d’assurance maladie, accompagnée d’une attestation de succession.
- Avis de la CPD: La caisse locale d’assurance maladie saisit la CPD pour avis dans un délai de 30 jours. La CPD dispose ensuite de 30 jours pour rendre son avis.
- Décision de la caisse locale: Le directeur de la caisse locale d’assurance maladie notifie sa décision au chirurgien-dentiste concerné dans un délai de 15 jours suivant l’avis de la CPD.
Dérogations possibles
Des dérogations au principe de régulation du conventionnement en zone non prioritaire sont prévues dans certaines situations exceptionnelles:
- Spécialistes : Les chirurgiens-dentistes spécialistes en médecine bucco-dentaire, en chirurgie orale et en orthodontie ne sont pas soumis à cette régulation.
- Situations personnelles : Des situations liées à la vie personnelle du chirurgien-dentiste, dûment attestées, peuvent donner lieu à une dérogation (ex : situation médicale grave, mutation professionnelle du conjoint, divorce).
Il est important de noter que ces dérogations ne diminuent pas le nombre de places vacantes disponibles dans la zone. Il s’agit de conventionnements supplémentaires.
Conséquences et perspectives
La régulation de l’installation des chirurgiens-dentistes en zones non prioritaires soulève des questions quant à son impact sur l’organisation des soins dentaires en France.
- Incitation à l’installation en zones sous-dotées: En restreignant l’accès aux zones sur-dotées, la nouvelle réglementation pourrait inciter les jeunes dentistes à s’installer dans des régions où les besoins sont plus importants.
- Course à l’installation: La mesure pourrait également engendrer une « course à l’installation » dans les zones non prioritaires, avant qu’elles ne deviennent elles-mêmes sur-dotées.
- Impact sur les centres dentaires: La limitation des embauches dans les centres dentaires situés en zones non prioritaires pourrait impacter leur développement et leur capacité à répondre à la demande de soins.
Malgré l’absence d’informations précises sur la fiscalité, l’entreprise et la comptabilité, il est évident que cette nouvelle réglementation aura des conséquences sur la gestion des cabinets dentaires.
Les chirurgiens-dentistes devront anticiper ces changements et adapter leurs stratégies d’installation et de développement. Il est conseillé de se tenir informé des évolutions de la réglementation et de consulter des experts en matière de fiscalité et de gestion d’entreprise pour optimiser leur activité.